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11/04/2006

Le modèle du paiement au clic de Google

Je viens d’achever la lecture de « The Google Story » dans lequel je n’ai pas découvert mais redécouvert le fonctionnement du duo infernal AdWords / AdSense. Cela me semble être une formidable machine à cash qui a sans doute un défaut : elle repose sur un modèle peu viable.

En effet, Google fait payer ses publicités au clic. L’annonceur a intérêt à ce que les personnes qui cliquent sur les « liens commerciaux » aient une bonne raison de cliquer sur ledit lien (à savoir avoir envie d’acheter ce qui est vendu sur le site, être intéressé par les contenus de ce portail, etc.). De son côté Google a intérêt à ce que le lien fasse l’objet d’un maximum de clics, quel que soit le but de la personne (ou la machine…) qui clique. Il y a donc divergence d’intérêt entre l’éditeur du service et l’annonceur. Or qui dit divergence d’intérêt dit risque de conflit.

Pour l’instant, Google a plutôt bien géré les conflits, en exploitant un concept fondamental : l’asymétrie d’information (concept largement développé dans l’autre livre que je lis en ce moment : Freakonomics).

Google sait ce qui se passe, qui clique et combien de fois. Le nombre de clics par jour (je n’ai pas le chiffre, mais on obtient une bonne estimation en divisant le CA de Google par 0.5$ et par 365 jours : environ 30-40 millions de clics/jour) que Google doit gérer lui interdit de suivre les clics individuellement. En revanche, il leur est tout à fait possible d’analyser les cas conflictuels.

Mais quel est l’intérêt de Google d’être pro-actif dans ce genre de situation ? Pas financier car Google n’a qu’une obligation de moyen et n’a jamais dit qu’il garantissait que toute personne qui clique sur un lien commercial a de bonnes intentions. Google peut donc se jouer des annonceurs en prétendant que tout va bien et qu’ils ne constatent aucune fraude.

L’enjeu est sans doute plus dans la réputation d’efficacité du modèle. Les annonceurs sont nombreux parce que Google est un bon moyen d’atteindre des clients à faible coût, ou encore d’atteindre des clients qu’on n’aurait pas su atteindre autrement.

Si la machine déraille et que les annonceurs commencent à douter de l’efficacité de Google, ce dernier va perdre ses revenus et de sa superbe.

Pour l’instant, si certains annonceurs se détournent de Google, il en a encore suffisamment qui y trouvent leur compte pour assurer une croissance florissante au moteur de recherche, mais qu’en sera-t-il dans quelques années ?

Si on essaie de creuser l’origine de la divergence d’intérêt entre Google et ses annonceurs, il faut faire appel à un tiers : les utilisateurs de Google. Ces derniers ont également leurs propres intérêts. Regardons quelques cas :

  • L’internaute en quête d’une information non commerciale : il veut obtenir une information pertinente, rapidement et gratuitement. Google la lui fournit (ou tente de la lui fournir) en considérant que cela habitue cette personne sur Google, ce qui laisse présager des revenus futurs.
  • L’internaute en quête d’une information commerciale : il sera ravi de trouver l’information, qu’elle soit dans les liens commerciaux ou dans les liens classiques. Le petit texte qui accompagne le lien commercial est souvent plus directement en relation avec sa recherche, ce qui le pousse à cliquer d’abord sur les liens commerciaux (dommage pour un annonceur qui serait en tête des résultats classiques, qui paie pour une mise en avant déjà effectuée gratuitement, mais passons).
  • Le concurrent d’un annonceur, qui clique pour faire perdre de l’argent inutilement à son compétiteur, voire pour faire disparaître l’annonce (si celle-ci a un budget limité) : Google gagne de l’argent mais risque de perdre de la crédibilité
  • Un actionnaire de Google peut s’amuser à chercher les mots-clefs qui rapportent le plus à Google (je suppose qu’il n’est pas très difficile de créer un compte annonceur et de tester le prix courant des mots-clefs, puisque le système fonctionne aux enchères) et cliquer raisonnablement mais régulièrement sur un panel de liens commerciaux. Tout bénéfice pour Google et « fraude » quasiment indétectable

Je m’arrête là car on pourrait trouver encore beaucoup de profils « aberrants » qui nuisent au bon fonctionnement de Google du point de vue des annonceurs sans pour autant nuire directement à Google.

Mon propos n’est pas de casser Google mais de chercher à comprendre ce que peut être l’avenir du Business model de Google :

  1. Google renonce au modèle « au clic » mais à l’achat concrétisé. Ceci a deux inconvénients : cela nécessite un investissement lourd pour s’interconnecter avec l’annonceur, et cela ouvre la porte à la fraude du côté de l’annonceur (Google apporte des affaires que l’annonceur masque)
  2. Le modèle tient et les prix au clic intègrent la perte en ligne due à la fraude. Ceci est possible mais risque d’être préjudiciable à Google en termes de revenus. Un peu comme les bannières publicitaires du Web qui ne rapportent plus grand-chose…
  3. Google trouve des moyens efficaces de lutter contre la fraude. Cela nécessitera sans doute de consacrer d’importantes ressources. Là aussi, la rentabilité de Google risque de prendre un mauvais coup

Conclusion ?

Selon moi, Google est un phénomène typique de hype qui a des fondements sains mais sur-evalués. Le business model de Google est basé sur la publicité, ou plus en avant, la mise en relation commerciale. Le métier d’intermédiaire a toujours bien payé, mais c’est un marché qui est très fragile à la concurrence. Toujours ce même problème d’asymétrie d’information. Der plus le marché de l’intermédiation ne peut pas dépasser le marché sous-jacent. Or quand j’entends que Google veut financer du Wifi gratuit par la publicité (même très ciblée), j’ai du mal à y croire. Certes ce modèle a fait la fortune de JCDecaux, mais cette entreprise n’est pas en posture de dominer le monde. Idem pour Google.

J’hésite donc à acheter des actions Google et passer mon temps à cliquer sur les annonces de McKinsey… ou tout simplement me contenter de continuer à utiliser Google tout en me servant aussi régulièrement d’autres moteurs comme Exalead pour maintenir une concurrence saine, ce qui stimule l’innovation…

19:14 Publié dans Internet | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Je ne saurai dire s'il faut acheter du Google ou pas mais je pense que le métier d'intermédiaire tel que Google le pratique a de beaux jours devant lui.
Pour ce qui est de la concurrence sur les moteurs de recherche qui encourage l'innovation, par certains cotés, elle arrive à grand pas : http://www.live.com/

Mais là où je pense que beaucoup d'analystes font une erreur, c'est en limitant Google au désormais classique "moteur de recherche". Il ne faut pas oublier que c'est aussi un champion du teasing sur les nouveaux services à travers les Google Labs (http://labs.google.fr/) et un formidable incubateur de projets (http://code.google.com/), sans parler de l'arlésienne "Google Office" qui va bien finir un jour par arriver en concurrence frontale avec Microsoft.

Je ne sais pas si cela va déboucher sur d'autres types de revenus pour Google. Pour ma part, je ne le crois pas. Je crois plutôt que le modèle va perdurer et que d'autres, à commencer par Microsoft devront y venir. En effet, en supposant que, à travers ses applications en ligne, Google réussise vraiment à croquer un morceau de gateau de Microsoft, celui-ci sera bien obligé de réagir.
Mais Microsoft peut-il combattre simultanément les produits "pas chers" sur tous les fronts ? Entre Vista qui n'arrive pas à éclore (ce qui, mécaniquement, avantage Linux) et la guerre de navigateurs qui reprend avec la re-création d'une équipe Internet Explorer pour faire face à Firefox, Microsoft peut-il vraiment se payer le luxe d'une bataille sur les prix pour les application bureautique ?

A mon avis, *si* Google réussit à amener Microsoft sur ce terrain, Microsoft sera quelque part obligé de se rapprocher du business model de Google. Le problème n'est pas alors tant de savoir si la rémunération par des clics sur des liens publicitaires est viable mais de savoir qui fait le plus d'audience et est donc le mieux placé pour vendre son intermédiation.

On rejoint là le modèle des media de masse (télé, radio, ...) : ce que payent les annonceurs, c'est d'être présent sur le canal où il y a le plus d'audience. Peu importe si 70% des téléspectateurs de TF1 n'aiment pas le Coca-Cola, ce qui est important c'est que les 30% restant représentent la majorité du marché potentiel de la marque.
Et à l'heure actuelle, le domaine web qui reçoit le plus de visiteurs au monde, c'est google.com.

Écrit par : Oaz | 20/04/2006

ah ben apres moult recherches j'ai bien fini par dénicher ton blog !

Cette analyse de Google est interessante et Discounteo se retrouve parfaitement dans cette analyse de conflit d'interets

Mais comme Oaz je suis assez fasciné par les services en lignes que propose Google et pour lesquels je me demande si des entreprises ne seraient pas pretes à payer (plutot que d'avoir des licences Office cheres)

On est actuellement en cours d'eval de Google calendar pour notre suvi de planning...

Écrit par : Daniel | 25/04/2006

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