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11/10/2006

Faut-il favoriser le développement des MVNO ?

L'ARCEP devrait-elle favoriser le développement des MVNO en régulant les tarifs wholesale et en imposant à Bouygues Télécom d'ouvrir son réseau ? L'objectif étant de favoriser la concurrence et faire bénéficier aux consommateurs de services plus performants à un prix moindre.

La réponse n'est pas simple car si les MVNO sont susceptibles de rendre le marché mobile plus concurrentiel, il ne s'agit pas de la seule voie... il y a aussi l'Arlésienne : la quatrième licence UMTS (que l'ARCEP à d'ailleurs récemment ressortie des cartons).

J'y repensais il y a une dizaine de jours en lisant un article des échos qui affirme que Bolloré est prêt à investir 1 milliard d'euros dans les télécoms et qu'une des pistes d'investissement serait cette fameuse 4ème licence. Il ne s'agit pas d'une information, juste une question que se pose Jamal, mais cela a le mérite de relancer le débat : des MVNO ou un 4ème opérateur 3G ?

 

Historiquement, si on regarde ce qui s'est passé chez les FAI, sur le marché grand public, on peut distinguer plusieurs grandes étapes :

1] Le RTC est une époque d'opérateurs virtuels : les FAI revendaient alors des minutes de communication achetées à France Télécom (pour l'accès à la gateway), ne faisant que très peu d'argent sur l'accès à Internet lui-même, lui-même acheté à des ISP trans-nationaux.

L'investissement dans des réseaux de longue distance se faisait plutôt à destination du service de téléphonie en présélection (je rappelle que je me concentre sur le Grand Public, l'histoire n'est pas la même pour le marché entreprises) et ne concernait pas vraiment les FAI.

2] Puis l'ADSL s'est démocratisé. Au départ, tous les FAI revendaient l'accès de France Télécom, ce qui ne leur laissait aucune possibilité de se différencier sur le prix par rapport à Wanadoo, avec généralement une qualité de service  moindre, notamment au moment de l'activation... ce qui a assuré à Wanadoo un beau hold-up qui lui a rapporté 50% de PDM et une belle amende de 80 millions d'euros (toujours pas encore payée si je ne m'abuse, mais FT a bientôt épuisé les recours)

3] Le dégroupage (partiel puis total) s'est alors développé. Le grand gagnant du dégroupage, c'est Free qui s'est taillé la part du Lyon sur le marché des alternatifs, en ayant su investir dans le réseau. Neuf et Cegetel se sont appuyé sur leur réseau de téléphonie et data entreprises comme support du dégroupage, mais se sont lancés un peu tardivement dans l'ADSL, ce qui les a pénalisé par rapport à un Free toujours en avance tant sur la technologie que sur la tarification. Tous les autres ont souffert de ne pas avoir investi dans un réseau. Ceux qui l'ont fait tardivement ont survécu mais sont à la traîne (Tiscali/Alice et Club Internet) et ceux qui ont refusé d'investir se sont fait dévorer (Mageos, AOL, Tele2). La baisse régulière des prix "wholesale/IPADSL" imposés à France Télécom n'a jamais laissé aux opérateurs virtuel assez de marge pour survivre, dans la mesure où les prix "alternatifs" étaient fixés à marge quasi nulle.

4] Aujourd'hui de nouveaux opérateurs virtuels apparaissent (Budget Télécom, The Phone House, Darty). Leur stratégie s'appuie sur leur réseau de distribution et la possibilité de faire des ventes croisées. Rien ne dit que cette économie sur les coûts d'acquisition soit suffisante pour équilibrer la difficile équation économique d'un FAI "virtuel" (achetant donc son accès à la boucle locale à FT, Neuf, Completel ou Telecom Italia). 

 

Cet historique est sans doute incomplet, peut-être même parfois inexact, mais que voulais-je en retenir ? Il y a deux acteurs qui ont réellement tiré leur épingle du jeu sur le marché des FAI : Free et Neuf.

  • Free s'est distingué en innovant. Cette innovation permanente a été rendue possible par le réseau defibre dont Free s'est doté dès l'origine, quand il a lancé son offre "gratuite" d'accès RTC.
  • LDCOM/Neuf s'est lui aussi doté de son propre réseau, en déployant de la fibre, mais aussi en jouant au mécano avec des rachats à très bas prix (Neuf Télécom, Belgacom France, Kaptech, Siris, Cegetel, etc.) 

Le facteur clef de succès chez les FAI est donc le réseau, les opérateurs virtuels n'arrivant pas à suivre au niveau économique, ce business de coûts variables étant structurellement déficitaires (marges brutes trop faibles pour supporter la structure). Et l'impulsion concurrentielle a été donnée par l'acteur qui a osé investir dans son réseau et a sciemment "détruit de a valeur" en cassant les prix, pour remplir son réseau et rentabiliser ses coûts fixes. Merci Free, c'est beaucoup grâce à vous que je paie si peu cher mon accès ADSL (à Club Internet d'ailleurs, car je n'aime pas les frais de sortie de 96 € chez Free, mais ceci est une autre histoire...)


Si je transpose maintenant cela sur le marché du mobile, cela revient à dire que les MVNO n'ont aucune chance, et que seul un acteur qui investira dans le réseau pourra s'en sortir... d'où la quatrième licence UMTS.

Il existe cependant une différence notable entre FAI et mobile : le spectre de fréquences est limité, la ressource radio est rare, le déploiement des réseaux doit donc de fait être sévèrement régulé. Il n'y a donc de la place que pour un quatrième larron et la tâche sera rude, l'investissement étant colossal...

Mais pourquoi pas, si l'ARCEP veut réellement faire baisser les prix du mobile, je recommande l'attribution de la quatrième licence UMTS, assortie d'une clause de facilitation : le roaming national en GSM, avec bien entendu un encadrement strict du calendrier de déploiement UMTS, de sorte que le nouvel opérateur soit réellement incité à investir, plutôt que de jouer au "super MVNO" avec le roaming national... 

Seul un acteur de ce type pourra réellement tirer les prix vers le bas, aussi bien sur les prix retail que sur les prix wholesale, car un 4ème opérateur 3G aurait bien entendu intérêt à faire rentrer des MVNO sur son réseau, pour le remplir le plus rapidement possible... 

 

Ce raisonnement, je n'ai pas la prétention d'être le seul à le faire. Je sais qu'il est discutable. Les candidats potentiels sont rares et l'investissement nécessaire à de quoi faire reculer même les plus riches, d'autant que la téléphonie mobile n'est plus en odeur de sainteté auprès des financiers.

Par ailleurs, je ne dis pas que celui qui ferait cet investissement serait le gagnant dans cette affaire. A vrai dire, je pense sincèrement que celui qui investira se cassera les dents et que le quatrième opérateur mobile français fera faillite... mais ne disparaîtra pas, il sera juste racheté à la casse et, une fois les sunk-costs rayés de l'ardoise, l'exploitation du réseau sera rentable. Avec au passage un bénéficie monstrueux pour le grand public car cet acteur sera l'artisan et le déclencheur d'une forte baisse des prix, plus orientés vers les coûts que vers un gavage en règle des MNO !

Avec ce que je viens d'écrire, on va me dire que personne ne sera assez fou pour se lancer dans une telle aventure.

Peut-être. Ou peut-être pas. Personnellement, je vois un acteur, ou plutôt des acteurs qui pourraient faire cet investissement : les collectivités locales. Nombre de régions ont été recalées lors de l'appel d'offre pour l'attribution des licences Wimax. Je trouve cela injuste car les régions ont de vrais objectifs d'aménagement du territoire, quand les compagnie privées cherchent avant tout la rentabilité (c'est mon côté savoyard originaire d'un coin réculé, marié à une lozérienne originaire d'un coin encore plus reculé qui ressort). La quatrième licence UMTS est une occasion de corriger cette injustice.

Qui plus est les régions pourraient également jouer le rôle d'opérateurs Wholesale et favoriser le développement de MVNO locaux, dédiés à une région. Breizh mobile a prouvé que le concept est difficile à soutenir pour les particuliers, mais il y a certainement un marché entreprises à révéler.

 

Reste un point qui n'aura pas échappé aux plus observateurs : est-il raisonnable de faire payer au grand public un réseau UMTS (par l'intermédiaire des régions, dont les fonds proviennent évidemment de l'impôt), pour que le coût unitaire de la minute mobile baisse ?

N'est-ce pas cher payé pour donner une impulsion baissière sur le marché des télécoms mobiles ? La concurrence des MVNO et des futurs opérateurs WiMax ne suffira-t-elle pas à produire ce résultat ?

Je n'ai bien entendu pas la réponse, sans quoi j'irai vendre une mission de conseil à l'ARCEP où de nombreux ingénieurs et économistes doivent se poser ce type de questions.

Mon intuition est qu'il n'y a sans doute pas besoin d'un quatrième opérateur 3G et surtout pas financé par la collectivité, même si les collectivités locales y pensent sans doute (heureusement que la licence est nationale et qu'il faut que les 22 régions se mettent d'accord, sans quoi je pense qu'elle seraient déjà passées à l'acte, cf leur vif intérêt pour les licences WiMax). Plutôt les candidats récurrents au rachat de Bouygues Télécom, si Martin Bouygues continue de s'obstiner. Mais même pour ceux-là, la quatrième licence est sans doute un projet encore lus coûteux...

Je pense également que les MVNO ont besoin d'un coup de pouce de l'ARCEP pour continuer à exister et surtout être capables d'au moins répliquer les offres des "licences" (M6 mobile, FNAC mobile, Universal mobile, TF1 mobile, etc.). Ce coup de pouce pourrait se traduire par une régulation des prix de vente à la minute et l'entrée (forcée ou non) de Bouygues en tant qu'hôte (des rumeurs disents que Bouygues serait désormais ouvert à la discussion), comme je le disais déjà en introduction. 

Mais le plus important est sans doute de TRANCHER ! Depuis trop longtemps l'ARCEP tergiverse et refuse d'avouer que la quatrième licence n'a pas d'avenir, et refuse par conséquent de trop favoriser les MVNO car cela créerait des conditions de marché défavorable au lancement d'un quatrième MNO. Mais où sont les candidats ? L'actualité semble me donner raison car depuis que j'ai commencé à rédiger cet article, l'ARCEP a lancé une consultation sur l'avenir de la quatrième licence. J'espère sincèrement que cela mènera à une décision ferme et définitive : maintient de la licence avec un candidat sérieux  ou redistribution des fréquences aux trois opérateurs en place en échange d'une plus grande ouverture aux projets de MVNO.

 

à suivre... 

 

15/09/2006

Réactions à froid après les annonces de Free

Comme promis dans ma note précédente, j'ai laissé un peu d'eau couler sous les ponts avant de m'atteler à une analyse un peu plus fine des annonces de Free sur le FTTH.

Beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne vais pas revenir sur les évidences. Je vais plutôt essayer de faire ressortir des points qui me semblent importants et qui ne ressortent pas suffisamment à mon goût : 

Free attaque Neuf sur tous les plans avant son introduction en bourse : Neuf a sans doute touché Free dans son amour propre en étant le premier à annoncer et lancer une offre de convergence fixe-mobile (même si Free affirme ne pas y croire), en publiant des chiffres (parfois faux) plaçant Neuf devant Free  en terme d'acquisition. Mais c'est la position de meilleur challenger de france Télécom qui fait de ces deux groupes des enemis jurés... il ne peut en rester qu'un !

Ou du moins Free et Neuf font de plus en plus le même métier : alors que Neuf va toujours plus vers le grand public, Free se  lance dans des offres wholesale et se met à tirer de la fibre jusqu'à ses clients... ce que faisait déjà Neuf depuis des années pour ses clients entreprises !

Car Free n'invente rien techniquement : lorsqu'un lien SDSL ne suffit pas, les entreprises se font tirer de la fibre, comme pourront bientôt le faire les particuliers. Sauf que l'investissement n'est pas minime et les entreprises paient pour se faire raccorder (les frais d'installation sont systématiquement offerts au client grand public) et paient cher l'abonnement (Xavier Niel parle souvent de ces marges "indécentes").

Ce que Free invente, c'est un business model où il serait rentable d'équiper 20% des français en FTTH pour 30€/mois.

Cela reste à  prouver. Mais si on se pose 5 minutes, on voit que le marché va vers une complexificaion de l'offre croissante, avec des barrières à la sortie pour le client de plus en plus importante : un abonné raccordé en fibre chez Free aura-t-il le courage de se désabonner pour demander à France télécom de le fibrer ? Cela arrive sur le marché entreprise, arrivera pour une minorité de clients grand public, mais la majorité des clients aura bien trop peur de changer pour moins bien, avec une interruption de service arbitrairement longue...

Les coûts d'acquisition des clients ont donc beau augmenter (Free parle de 1500€ par client pour les premiers raccordés, rien qu'en frais techniques) , la marge opérationnelle augmente (plus de location à France Télécom) et surtout la durée de vie des clients augmente elle aussi (sans compter que si l'abonné déménage, la prise reste en place pour un éventuel nouveau client, alors qu'en ADSL FT fait payer des frais de raccordement pour le nouveau, en ignorant l'historique)

On comprend donc bien sur quels termes de l'équation Free essaie de jouer. Et c'est le seul acteur qui peut se permettre de jouer à ce jeu : FT et Neuf sont trop soumis à des objectifs de rentabilité financière (par la bourse) pour pouvoir annoncer des gros investissements dont la rentabilité est douteuse. Et des acteurs comme Alice ou Club Internet ont les même contraientes par le biais de leur actionnaire. Free est contrôlé à 66% par Xavier Niel et dispose de fonds propres et d'un cash flow positif suffisants pour financer ce projet : c'est peut-être une mauvaise idée, mais personne ne peut les en empêcher !

...

Bon, je m'aperçois que cette note est déjà longue et pas très digeste, et surtout que je commence à dire des évidences... je vais donc m'arrêter là et si j'ai d'autres choses à dire, je ferai une nouvelle note plus... synthétique ;-) 

07/09/2006

Talk Talk by TPH

On peut lire ici ou que The Phone House serait sur le point de lancer une offre Dual Play ADSL + Téléphonie.

Ce mouvement est d'autant plus surprenant que le marché est plutôt à la concentration (rachats de Tiscali, AOL, Tele2), la preuve semblant faite qu'un FAI ne peut pas survivre s'il ne se dote pas de son propre réseau.

Pourtant ce n'est pas le premier mouvement du genre : Budget Telecom (réseau Neuf-Cegetel/Télcom Italia) et Darty (réseau Completel)  ont déjà annoncé leur intention de lancer des offres, d'autres suivront peut-être...

Toute la problématique est d'arriver à rentabiliser une offre dans un contexte difficile, un marché où l'innovation va vite, très vite et où les marges sont faibles pour les petits.

Pour cela TPH peut compter sur son fond de commerce initial : ses boutiques !!! A l'heure où arriver à se faire raccorder en ADSL correctement et rapidement semble un combat de longue haleine, posséder des magasins permettant une relation client de proximité est peut-être un atout... ou pas. Je pense que s'il y avait des boutiques Free, elles seraient encombrées de Freenautes en colère. Il faudra donc que TPH soit bon et même meilleur que pour Breizh/Virgin mobile. Car l'activation d'un compte mobile n'a rien à voir avec une activation ADSL. Le mobile ne demande que du provisionning, l'ADSL requiert l'intervention physique de nombreux acteurs, ainsi que la compatibilité d'équipements ne répondnat pas toujours à 100% aux normes.

Je souhaite donc bien du courage à TPH et je parie que cette offre fera "Parler Parler" d'elle ;-)

30/06/2006

Consolidation du marché des FAI

Tandis que de nouveaux opérateurs "virtuels" se lancent sur le marché (Darty, Budget Télécom), les rumeurs de consolidation du marché des FAI vont bon train.

Ainsi AOL France (et Germany) serait à vendre, avec au moins un candidat sérieux, à savoir Télécom Italia (aka Alice), tandis que Neuf-Cegetel s'intéresserait fortement à Tele2.

Si ces rumeurs se confirment, avec les prix de vente qui circulent, la preuve sera faite que le seul moyen de survivre dans l'environnement français était de se doter de son propre réseau (Orange, Free, Neuf-Cegetel, Telecom Italia, T-Online France) et encore cela n'a pas empêché Cegetel de se faire absorber.

Plusieurs questions en découlent :

  • quelle pertinence pour les deux nouveaux entrants, vont-ils survivre sans une énrome perfusion de cash et générer de la rentabilité ? Darty peut jouer sur le besoin de Completel de remplir son réseau.
  • avoir son propre réseau suffit-il pour survivre ou faut-il également un certaine taille critique ? Il y a assurément une taille critique, mais son niveau est important
  • qui vont être les gagnants de la consolidation ?  Club-Internet et Alice ne risquent-ils pas d'être marginalisés s'ils ne parviennent pas à boucler une acquisition ?

 Je pense qu'on aura avant noël, voire à la rentrée, une vision un peu plus claire du marché, avec un nombre d'acteurs restreint, un taux de pénétration plus proche de la valeur terminale et le début de la généralisation de la convergence (Club Internet et Alice ont tous deux annoncé s'intéresser au mobile).

Côté consommateurs, je pense qu'il ne faut pas rêver, la guerre des prix est terminée et les prix ne peuvent que remonter, la concurrence ne s'exprime désormais pratiquement plus que sur les services. La guerre au débit est terminée, celle de la téléphonie fixe également (ou presque), la TVoADSL est bien mûre et c'est maintenant la convergence le champ de bataille des FAI, qu'on appellera bientôt opérateurs intégrés (c'est déjà le cas d'Orange)